Les auteurs du « Livre d’Or 2024 » font le bilan de l’année olympique

Les auteurs du « Livre d’Or 2024 » font le bilan de l’année olympique

Avez-vous la sensation d’avoir assisté avec les tournois de basket des Jeux Olympiques à Paris et à Villeneuve-d’Ascq à un évènement unique dans votre carrière de journaliste de sport ? 

– Absolument. Il y a eu le côté sportif, bien sûr, mais aussi l’engouement qui a entouré l’organisation des JO à Paris, bien au-delà de tout ce que tout le monde avait pu imaginer. Un événement qui a semblé une parenthèse enchantée. Le basket vit une sorte d’âge d’or, dans le monde mais particulièrement en France, où les planètes semblent s’aligner autour d’un Championnat de France qui n’a jamais semblé aussi attractif et compétitif avec trois clubs en Euroleague, des talents toujours plus nombreux qui trustent les premières places des drafts NBA, et une équipe de France qui a fait mieux qu’une transition après la génération Tony Parker, partie en 2016 : elle l’a dépassée au niveau du palmarès avec deux argents olympiques. Ce contexte favorable a trouvé son apothéose dans des JO à Paris où il n’a manqué qu’un titre pour sanctionner cette évolution constante. L’arrivée de Victor Wembanyama et le scénario de JO renversants pour les hommes après une phase de poules très inquiétante, ont rendu l’événement encore plus jubilatoire, quand les hommes de Vincent Collet ont terrassé le Canada et l’Allemagne championne du monde avant d’aller titiller les USA. Et chez les femmes, c’est carrément à l’exploit du siècle qu’on a failli assister. Sans deux erreurs d’arbitrage grossières dans le money-time -faute sur Johannès, remise en jeu rendue aux USA-, elles auraient même à coup sûr fait tomber le totem américain. C’est un crève-coeur, surtout pour Gabby Williams, qui a régné sur cette compétition autour d’une équipe de France réjouissante et qui n’a plus d’excuse pour ne pas aller chercher l’or à l’Euro après sa superbe campagne olympique. 

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Avez-vous été surpris par l’engouement populaire au Stade Pierre-Mauroy de Villeneuve d’Ascq avec un record de spectateurs pour les Jeux Olympiques ? 

– Oui, même si l’expérience de l’Euro 2015 avait montré que la France aimait le basket et n’avait aucun souci pour remplir un stade entier pour son équipe nationale. Ce qui est plus étonnant, c’est de voir que le stade était rempli même pour des affiches mineures du tournoi féminin, où l’on aurait pu craindre une forme de désintérêt. Or, le monde s’est réuni autour des athlètes pour les JO, sans réserve, et l’ambiance a presque systématiquement été au rendez-vous. Tout le monde avait peur qu’à Lille, on soit un peu trop éloignés de Paris pour ressentir la magie des Jeux. L’idée reçue a volé en éclat. Avec ces moments cultes où en plein matches, les stades ovationnaient Léon Marchant, les frères Lebrun ou les autres stars françaises dans leurs quêtes de médailles, qu’il suivait à l’aide de leurs smartphones.

Une finale olympique en bousculant les Américains et les Américaines est-ce pour les équipes de France un sommet ou pourront-ils véritablement prétendre à l’or en 2028 à Los Angeles en terre américaine ? 

-Honnêtement, ce n’est peut-être qu’un début. Comme l’a dit Evan Fournier après la victoire sur le Canada, le potentiel reste du potentiel et celui-ci doit être concrétisé par des actes, du travail et des résultats, mais l’avenir de la France semble radieux. Victor Wembanyama est encore très loin de son pic de joueur, Guerschon Yabusele et Mathias Lessort dominent déjà, Isaïa Cordinier s’est élevé, Bilal Coulibaly va grandir, et d’autres grands talents vont arriver, à l’image de Zaccharie Risacher, ou d’un Nolan Traoré à la mène. Si Evan Fournier et Rudy Gobert jouent les prolongations et poursuivent quelques années, la transition peut se faire en douceur et rendre les Bleus encore plus redoutables. Bien sûr, il n’ira pas de soi de combler les vides laissés par Nando De Colo ou Nicolas Batum dans la science du jeu et l’expérience des grands rendez-vous. Mais en face, les USA, soi-disant équipés de leur meilleur effectif, ont eu besoin d’un MVP de 39 ans (LeBron James) et d’un magicien comme Stephen Curry (60 points cumulés en demie et en finale) pour passer… par un trou de souris ! Donc l’espoir de faire tomber les Etats-Unis chez eux en 2028 est plus que réaliste ! Et cela vaut aussi pour les filles, qui vont avoir une pléiade de joueuses draftées en WNBA et dont le jeu moderne, tout en intensité, en fait des candidates naturelles à tous les titres internationaux désormais.  

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 Qu’est-ce que représente pour vous la photo de couverture de cette édition du Livre d’Or? 

– C’est l’une des images iconiques des JO tout simplement. Elle a été captée par Catherine Steenkeste pour Getty Images. Il est important de le mentionner car c’est la seule photographe parmi tous ceux présents ce jour-là à être parvenue à obtenir le cadrage complet de la scène, l’envol de Yabusele, James en train de vaciller une main à terre, le dunk, la puissance. C’est une image de conquête, qui raconte, au-delà de la seule histoire de la finale olympique perdue par les Français, le rêve bleu, celui d’une génération partie à la conquête de l’Amérique avec ses 14 joueurs en NBA cette saison, qui veut enfin mettre son nom au sommet de la hiérarchie mondiale, au nez et la barbe des légendes américaines -ici LeBron James, le MVP des JO. Le choix pour la couverture a été finalement été rendu très simple par ce coup d’éclat, qui aurait mérité une meilleure issue pour les Français.  

Gabby Williams a obtenu le Trophée Alain Gilles qui récompense le meilleur basketteur ou basketteuse de l’année. Que pensez-vous de son parcours, de son investissement en bleu ? 

– C’est un exemple à suivre pour tout basketteur. D’abord, la formation à Connecticut, le nec plus ultra aux USA dans le basket féminin. Williams incarne l’excellence des fondamentaux du jeu, doublée d’un jeu multicarte, total, des deux côtés du parquet. Et à tout cela, elle ajoute un état d’esprit au diapason, contagieux, une volonté de vaincre qui a failli terrasser les Américaines, et un amour authentique du maillot national. Ce qui rend l’histoire encore plus belle. Car Gabby Williams n’est pas une Américaine naturalisée par facilité ou pour combler un vide dans l’effectif. Elle a vraiment vécu en France, parle français couramment et rêvait depuis l’enfance de porter cette tunique. Depuis sa première sélection, elle clame son amour des Bleues, et le montre sur le terrain comme aucune autre.  

Avec les deux médailles d’argent olympiques et les médailles en jeunes, avez-vous l’impression que la France vient de dépasser l’Espagne comme pays numéro 1 en Europe et est-ce un phénomène de fond ? 

-Il y a un domaine dans lequel l’Espagne conserve – largement – la tête : le niveau de son championnat domestique. Même si la Betclic Élite progresse, l’ACB reste la référence en Europe. En revanche, à bien des niveaux, oui, la France a doublé son voisin. Il y a quatorze joueurs français en NBA contre un seul Espagnol, et les joueurs français brillent partout en Euroleague. En séniors, les deux sélections espagnoles (hommes et femmes) n’étaient pas en demi-finales des JO ni à Tokyo ni à Paris. En jeunes, les Bleuet(te)s ont aligné les médailles, et surtout, tous les avis extérieurs s’accordent à dire que le premier réservoir de talents en Europe est incontestablement en France. Et ces talents trouvent des terrains d’expression dans l’Hexagone – bien sûr les prospects comme Victor Wembanyama, Zaccharie Risacher, mais aussi ceux qui reviennent de NBA comme Théo Maledon, Élie Okobo – alors qu’à l’inverse, les jeunes Espagnols n’ont quasiment pas de place en ACB, ce qui inquiète grandement leur Syndicat des joueurs.

Quels sont les joueurs français qui vont avoir cette saison un impact en NBA ? 

-Le premier nom est évidemment Victor Wembanyama. En avant-saison, il était favori pour le titre de meilleur défenseur et candidat au All-Star Game. Après quelques semaines de compétition, il a confirmé tous les espoirs. Ensuite, il est très intéressant de suivre la première campagne des trois rookies draftés dans le Top 10 : Zaccharie Risacher peut se mêler à la course pour le titre de meilleur débutant, Alex Sarr est l’un des rookies les plus utilisés, Tidjane Salaün voit son temps de jeu gonfler. Deux autres Frenchies vivent une saison particulière : Guerschon Yabusele pour son retour dans la ligue, qui effectue un début de saison canon avec Philadelphie ; Moussa Diabaté, un tel aspirateur à rebonds qu’il devrait réussir à transformer son contrat two-way en contrat garanti. 

Avez-vous apprécié le tournoi olympique de 3×3 Place de la Concorde ? 

-Oui, et en premier lieu pour le décorum : les JO au cœur de Paris, sur une place mythique de la ville, avec des milliers de spectateurs, cela laisse des images marquantes. D’autant que le 3×3 avait réussi à imposer sa touche, urbaine, street, avec de la musique en fond sonore, quitte à donner à l’endroit un air de « club de vacances » – certes pour du très haut niveau. Une vraie ambiance de fête. Et l’épopée des Bleus jusqu’en finale a donné encore plus envie de suivre le tournoi. 

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Quel avenir voyez-vous pour cette discipline ? 

-Flou. La FIBA met des moyens, incontestablement, et le paysage de la discipline en 2024 n’a plus rien à voir avec celui de 2012 à son lancement officiel. Pour autant, la question de son avenir se pose, et elle consiste à se demander si le 3×3 peut, à long terme, vivre par lui-même, c’est-à-dire sans le 5×5, c’est-à-dire en étant constitué uniquement de joueurs pros, consacrés à 100% à la discipline, et formés dans des clubs spécialisés. En France, la fédération a comme prévu mis un terme à l’équipe 3×3 Paris, et les vice-champions olympiques doivent s’armer de patience et de courage pour monter un nouveau projet à Toulouse. Et c’est aussi parce que le 3×3 ne génère pas encore assez de revenus que les Américains n’ont pas encore pleinement investi le terrain. Chez les féminines, il n’y a pas d’équivalent du World Tour masculin. 

Qu’est-ce qui manque encore au basket en France pour être médiatiquement à la hauteur du rugby ?

-Une exposition de ses équipes de France à la hauteur de son statut sportif – la France se classe 2e nation mondiale d’un sport pratiqué sur la planète entière –, de sa place sur le territoire – 2e sport collectif français, avec 35% de licenciées féminines. Jamais les Bleu(e)s n’ont autant brillé, jamais le basket français n’a été aussi fort, jamais il n’a eu un phénomène mondial comme Victor Wembanyama, et pourtant, son exposition, notamment télévisuelle, est ridicule en comparaison aux Bleus du foot, du rugby, du handball. Eux sont habitués à voir leurs matches diffusés sur des chaînes publiques (souvent TF1 ou France 2), dès les premiers matches de leurs grandes compétitions, et même des rencontres amicales, quand les basketteurs doivent se qualifier en demi-finales pour avoir ces honneurs. En novembre dernier, même si France-Chypre, pour l’adversaire, et parce que l’équipe de France des fenêtres internationales était privée de ses joueurs NBA et Euroleague, n’était pas l’affiche du siècle, les Bleus ont été diffusés dans l’anonymat de DAZN, quelques jours après avoir vus ceux du foot et du rugby remplir coup sur coup le Stade de France et faire 5 millions (foot) et 7 millions (rugby) de téléspectateurs sur TF1 et France 2. La comparaison fait mal…

 Le Livre d’or du Basket 2024 par Yann Casseville et Yann Ohnona. Préface de Vincent Collet. 136 pages. Format : 23,00 x 29,00 x 2,00 cm. Editeur Solar. En vente dans toutes les librairies.

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